Une affaire récente nous donne des précisions sur les troubles anormaux du voisinage dans un contexte différent de celui du voisinage entre particuliers, à savoir celui de la nuisance d’une entreprise… En l’occurrence à la campagne.
Dans l’affaire ayant donné lieu à une décision récente de la Cour de cassation, une exploitation agricole à responsabilité limitée gérait une exploitation agricole bovine. En 2010 ont été construits deux bâtiments destinés à l’accueil des animaux.
La juridiction administrative a annulé les permis de construire délivrés à l’EARL.
Les voisins se sont plaints du bruit, de l’odeur et de la présence d’insectes provenant de l’exploitation. Ils ont fini par assigner en démolition des bâtiments (sur la base de l’annulation des permis) et paiement de dommages-intérêts.
La cour d’appel a considéré que nul ne devait causer à autrui un trouble anormal du voisinage et a considéré que l’EARL devait proposer des solutions techniques alternatives. Une condamnation en paiement de dommages-intérêts a été en outre prononcée. En effet la preuve était rapportée :
- d’une augmentation du cheptel
- d’une localisation des nouveaux bâtiments en pleine zone urbaine ancienne d’habitat et de services,
- que l’exploitation générait des odeurs nauséabondes, des bruits d'animaux, de machines, et aussi une présence envahissante d'insectes.
La cour d’appel a rappelé qu’il ne lui appartenait pas de dire si par principe les habitants des zones rurales devaient supporter toutes les conséquences, y compris les plus dommageables, des exploitations agricoles à raison même de ce qu'ils ont fait le choix de résider en zone rurale.
L’argument de l’EARL était de dire, sur le fondement de la protection du patrimoine naturel prévue par le code de l’environnement, que la nature essentiellement rurale de l’espace où elle exerçait son activité agricole traditionnelle d'élevage permettait d'exclure l'anormalité des troubles allégués.
La Cour de cassation a considéré que les dispositions du Code de l’environnement visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, concernent la protection des espaces, ressources et milieux naturels et n'ont ni pour objet ni pour effet d'exonérer les exploitants agricoles de la responsabilité qu'ils encourent lorsque les nuisances générées par leur exploitation excèdent, compte tenu de la situation des fonds, les inconvénients normaux du voisinage.
Selon la Cour de cassation, les constatations auxquelles la Cour d’appel avait procédé sur la situation des fonds concernés permettait bien d’apprécier l’anormalité des troubles et que les nuisances générées par l’exploitation de l’EARL excédaient, par leur nature, leur récurrence et leur intensité, les inconvénients normaux du voisinage.
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(Cass. 3ème civ., 7 décembre 2023, n°22-22.137)