Précisions sur l’étendue de l’indemnisation du sous-traitant

Les relations entre le maître de l’ouvrage, l’entrepreneur principal et le sous-traitant sont un terreau fertile à de nombreux litiges.

Le maître d’ouvrage initie un projet de construction.

L’entrepreneur principal est chargé d’exécuter les travaux conformément au contrat signé avec le maître d’ouvrage.

Le sous-traitant est engagé par l’entrepreneur principal pour réaliser une partie spécifique des travaux.

Sans revenir en détail sur les différentes obligations à la charge de chacun, on peut retenir les répartitions de responsabilité comme suit :

  • L’entrepreneur principal doit obtenir l’agrément du maître de l’ouvrage pour chaque sous-traitant ;
    • A défaut, l’entrepreneur principal reste tenu envers le sous-traitant.
    • La responsabilité de l’entrepreneur principal reste entière à l’égard du maître de l’ouvrage.
  • L’agrément du maître de l’ouvrage porte sur :
    • L’acceptation du sous-traitant ;
    • L’agrément des conditions de paiement du sous-traitant.

Le maître de l’ouvrage qui a connaissance de la présence d’un sous-traitant sur le chantier doit mettre en demeure l’entrepreneur principal de s’acquitter de ses obligations.

En cas de violation de ses obligations par le maître de l’ouvrage, le sous-traitant a droit à indemnisation.

 

Hypothèse 1. La violation par le maître de l’ouvrage de son obligation de faire agréer le sous-traitant

Privé d’action directe contre le maître de l’ouvrage, le sous-traitant peut prétendre à ce que le maître de l’ouvrage restait devoir à l’entrepreneur principal à la date à laquelle il a eu connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier ou des sommes qui ont été versées à l’entrepreneur principal après cette date.

 

Hypothèse 2. La violation par le maître de l’ouvrage de son obligation de fournir une garantie de paiement

Ce cas de figure a fait l’objet d’une décision jurisprudentielle récente.

Une Cour d'appel avait exclu de l'indemnisation les travaux supplémentaires qui n'avaient pas été validés par le maître de l’ouvrage.

La Cour de cassation (7.3.2024, n°22-23.309) précise que le sous-traitant a droit aux sommes restant dues par l’entrepreneur principal, que les travaux aient été acceptés ou non par le maître de l’ouvrage.

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(Cass. civ. 3ème, 7 mars 2024, n°22-23.309)

La révision du loyer commercial : la notification du mémoire, préalable indispensable à la saisine du juge des loyers commerciaux

L’action en fixation du loyer commercial obéit à des règles procédurales strictes.

Tout d’abord, il faut procéder à la notification d’un mémoire en demande contenant une copie de la demande en fixation du prix.

Dans un second temps seulement, peut avoir lieu la saisine du Juge des loyers commerciaux, à l’expiration d’un délai d’un mois.

L'absence de notification préalable du mémoire constitue une fin de non-recevoir.

Selon le Code procédure civile, certaines fins de non-recevoir peuvent être régularisées dans la mesure où le juge ne s’est pas encore prononcé.

Toutefois la loi ne nous dit pas quelles sont les situations qui peuvent être régularisées ou non, de sorte que c’est au juge de nous le dire.

Dans une affaire très récence, une société bailleresse d’un local commercial a signifié à la société locataire un congé avec offre de renouvellement moyennant un nouveau loyer.

L’assignation en fixation du bail renouvelé a été signifiée au locataire sans notification du mémoire préalable.

Cette notification n'est intervenue que bien plus tard par lettre recommandée, mais avant le jugement.

La Cour d’appel a déclaré l’action du bailleur irrecevable. Le bailleur a donc formé un pourvoi en cassation sur la base des arguments suivants :

1. L’action en fixation du prix d’un bail renouvelé est de deux ans à compter de la date d’effet du congé. L’assignation interrompt la prescription. Le bailleur soutenait que la délivrance de l’assignation était intervenue dans le délai de deux ans, de sorte que l’action était recevable.

2. La notification du mémoire par courrier recommandé avant que le juge ne statue (5 mois avant le jugement), devait selon le bailleur permettre de régulariser la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé.

La Cour de cassation a apporté la réponse suivante : le défaut de notification d'un mémoire avant la saisine du juge des loyers commerciaux donne lieu à une fin de non-recevoir. Cette situation n'est pas susceptible d'être régularisée par la notification d'un mémoire postérieurement à la remise au greffe d'une copie de l'assignation.

Le pourvoi du bailleur a ainsi été rejeté.

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(Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 8 février 2024, n°22-22.301)

Résolution du contrat en cas d’inexécution suffisamment grave

Le Code civil nous dit que « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. ».

Dans une affaire récente, une société a sous-traité à une autre des travaux de forage qui lui avaient été confiés à l'occasion d'une opération de construction.


Le sous-traitant, en raison de son retard, a été mis en demeure, puis remplacé par une autre société, qui a réalisé les derniers forages à sa place.

Après expertise, le sous-traitant a assigné son cocontractant en paiement des dépenses engagées et en dommages-intérêts.

La Cour d’appel n’ayant pas fait droit aux demandes de la société sous-traitante, celle-ci a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Les arguments développés par cette dernière étaient de trois ordres :

  1. En cas de retard, le contrat de sous-traitance prévoyait une faculté de résiliation avec la possibilité de demander des dommages et intérêts, selon certaines formes (en recommandé) et délais (10 jours) qui n’avaient pas été respectés ;
  2. La résiliation doit être justifiée par une gravité suffisante du comportement de la partie défaillante, la preuve n’était pas rapportée selon elle en l’espèce ;
  3. Le non-respect du planning ne lui était pas imputable puisque le cahier des charges prévoyait des opérations qui se sont avérées non nécessaires.

La Cour de cassation n’a pas suivi le sous-traitant dans sa démonstration et a estimé que la rupture unilatérale du contrat de sous-traitance, même sans respecter le délai prescrit par la clause de résiliation, était justifiée.

La Cour a retenu trois raisons :

  1. Le non-respect des délais d’exécution des travaux par le sous-traitant.
  2. Le caractère manifestement insuffisant des moyens mis en œuvre par le sous-traitant.
  3. Le cahier des charges ayant été accepté, et les procédés n’ayant pas non plus été remis en question au cours des travaux, le retard demeurait imputable au sous-traitant.

Selon une jurisprudence constante, dès lors qu’une partie a gravement manqué à ses obligations, l’autre partie peut résilier le contrat. Cette jurisprudence confirme que dans une telle hypothèse, peu importe que les modalités de résiliation du contrat n’aient pas été respectées.

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(Cass. 3ème civ. 8 juin 2023 n° 22-13.469 F-D)

 

 

Le congé sans indemnité d'éviction en matière de baux commerciaux : un cas de violence exercée par le locataire

En matière de bail commercial, le locataire bénéficie sous certaines conditions d’un droit au renouvellement de son bail. Le refus du renouvellement par le bailleur ouvre droit à une indemnisation au bénéfice du locataire.

Selon le Code de commerce le bailleur peut toutefois refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'une indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant.

S'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser.

Dans l’affaire ayant donné lieu à une très récente jurisprudence, la propriétaire d’un fonds de commerce de lingerie exploitait son commerce dans un local qu’elle louait.

Le bailleur a fait délivrer à la locataire un « congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime » sans offre d'indemnité d'éviction.

Le Tribunal judiciaire n’ayant pas fait droit à ses demandes, le bailleur a interjeté appel de la décision rendue.

Le bailleur demandait notamment à la Cour d’appel de :

  • constater la validité du congé portant refus de renouvellement et de non paiement d'indemnité d'éviction, la légitimité et la gravité de ses motifs,
  • constater les violations commises par le locataire au titre de son occupation postérieure à l'expiration du bail, et notamment les travaux non autorisés, l'absence de paiement des charges et le refus de laisser le bailleur visiter les lieux.

Les bailleurs ont tout d’abord adressé une mise en demeure circonstanciée. Puis par acte d'huissier les bailleurs ont signifié un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction aux motifs suivants :

- l'occupation indue du sous-sol pendant 14 années ;

- la réalisation de travaux sans autorisation du bailleur ;

- le stationnement systématique et quotidien dans la cour commune du responsable du magasin au mépris du règlement de copropriété ;

- le refus d'accès au magasin opposé aux bailleurs et aux entreprises mandatées par elle pour la réalisation d'expertises ainsi que pour la réalisation de travaux ;

- des actes de harcèlement et de violence ;

- le défaut de règlement du loyer et des charges dans la forme et à la date convenues entre 2007 et 2019 ;

- le défaut de justification spontanée d'une assurance et du ramonage de la chaudière ;

- l'absence d'entretien des locaux.

Selon les juges les faits de violence de la part de la locataire et l'occupation de la cour commune sans autorisation de la copropriété pendant plusieurs mois sont chacun à eux seuls d'une gravité qui justifie le congé sans indemnité d'éviction.

Le congé sans indemnité d'éviction a donc été validé par la cour d’appel. L'expulsion de la locataire a également été ordonnée.

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(Cour d’appel de Rouen, 14 septembre 2023, n° 21/04099)

Mauvaise foi du bailleur commercial : quel impact sur l’acquisition de la clause résolutoire ?

Un bail locatif ou commercial contient généralement une clause résolutoire, qui permet de résilier automatiquement le contrat si le locataire ne satisfait pas à ses obligations.

L’article L145-41 du Code de commerce dispose que le juge peut accorder des délais et suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Dans une affaire récente la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire, et plus particulièrement sur la bonne foi du bailleur.

Une SCI a consenti un bail commercial à une société de carrosserie.

La société de carrosserie a accumulé un important arriéré locatif. Le bailleur a donc demandé en référé l’acquisition de la clause résolutoire pour expulser la société locataire.

Une ordonnance de référé a accueilli les demandes du bailleur en accordant toutefois un délai au locataire pour s’acquitter de ses obligations. Le respect de l’échéancier de 24 mensualités par le locataire lui permettait d’échapper à l’expulsion.

La société locataire a été expulsé. Cette dernière s’est défendue devant le juge de l’exécution, soutenant qu’elle avait respecté l’échéancier de paiement de l’arriéré locatif et que l’expulsion avait été diligentée à tort.

La Cour d’appel a donné raison au locataire lui permettant de réintégrer les locaux.

La SCI bailleresse s’est pourvue en cassation contre la décision de la Cour d’appel. Tout le litige portait sur la mise en œuvre de la procédure d’expulsion alors que la société locataire s’était acquittée du remboursement de l’arriéré locatif en huit mensualités au lieu des vingt-quatre prévues dans la décision. A la date du procès-verbal d’expulsion, un solde de 31 euros subsistait.

Compte tenu de ces circonstances, la cour d’appel a considéré que la clause résolutoire n’avait pas joué car elle avait été invoquée de mauvaise foi par la bailleresse. La bailleresse quant à elle faisait valoir que la mauvaise foi ne la privait pas de la possibilité de se prévaloir de la décision d’expulsion.

La Cour de cassation a tranché dans le sens de la société bailleresse. La mauvaise foi de la bailleresse était indifférente, du moment que le locataire n’avait pas respecté les délais de paiement imposés par le juge, la clause résolutoire était définitivement acquise et l’expulsion légitime.

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(Cass. civ. 3ème, 26 octobre 2023, n°22-16.216)